20 février 2023

Au cœur de l’action judiciaire - Rencontre avec une interprète judiciaire

 

Pour cette toute nouvelle série de billets, notre équipe est allée sur le terrain rencontrer des professionnelles et professionnels de la justice afin de démystifier leur rôle et les défis qu’ils relèvent au quotidien.

Nous lançons cette série d’entrevues avec Mme Nina De Sole, interprète judiciaire permanente au palais de justice de Montréal, qui nous présente avec enthousiasme cette profession encore trop méconnue.

Marie-Andrée Garneau
Avocate et porte-parole du ministère de la Justice


Bonjour madame De Sole. Pouvez-vous me résumer brièvement en quoi consiste la profession d’interprète judiciaire?

Bien sûr! En tant qu’interprète judiciaire, mon rôle est de traduire verbalement du français vers l’anglais, parfois dans d’autres langues, de façon aussi précise et fidèle que possible, tous les propos et documents dans le cadre d’un procès ou de toute autre procédure judiciaire.

Les interprètes peuvent traduire de façon consécutive ou simultanée. Pour la traduction consécutive, chaque personne qui s’adresse à la cour va faire des phrases courtes, puis prendre une pause pour laisser le temps à l’interprète de traduire dans la langue d’arrivée.

De façon simultanée, nous traduisons dans un microphone, généralement dans une cabine, en même temps que les différentes parties parlent. La personne qui a besoin de l’interprète est munie d’écouteurs.

Nous traduisons aussi par écrit ou parfois même à vue. Dans ces cas, une personne nous fournit un document écrit – un rapport d’expert, par exemple – et nous en faisons la traduction à l’oral en le lisant. Cet exercice demande une très grande précision.

Faites-vous la préparation du procès avec la personne ou si vous la rencontrez uniquement au procès?

Nous rencontrons parfois la personne un peu avant, pour lui rappeler des consignes d’usage, comme celle de faire des phrases courtes et simples. Mais en général, la préparation implique plutôt de prendre connaissance du vocabulaire du document pour être capable de bien le traduire pendant l’audience.  

Pour les procédures à la cour, c’est le Bureau des interprètes du palais de justice qui assigne les causes aux interprètes. Comme nous avons le devoir de neutralité et d’impartialité, si nous connaissons la personne qui a besoin d’un ou d’une interprète, nous devons en aviser la cour et nous désister. 

Quelle est votre formation? Une formation est-elle nécessaire pour exercer la profession? 

Personnellement, j’ai fait un baccalauréat en traduction et littérature de l’Université McGill ainsi qu’une technique juridique. Avoir des études en traduction et en sciences juridiques m’aide énormément au quotidien. Si nous ne comprenons pas certains concepts de droit, nous pouvons facilement perdre le fil. 

Quels sont les défis de la profession, selon vous?

Comme je l’ai mentionné, nous devons travailler avec le plus de précision et de fidélité possible. Nous devons régulièrement suivre des formations pour rester à jour dans le vocabulaire judiciaire et dans les différents domaines, comme l’Autorité des marchés financiers, la médecine, etc. Nous n’arrêtons jamais d’apprendre! C’est ce que je trouve stimulant dans cette profession. 

Nous devons aussi développer la maîtrise de soi, parce que certaines causes peuvent être bouleversantes. Ce sont des sujets qui viennent chercher les émotions et nous devons apprendre à garder une contenance en toute circonstance pour pouvoir faire notre métier correctement, sans juger et sans tomber dans les émotions. C’est un aspect important de la profession, et il n’est pas facile à acquérir. À mon avis, c’est ce qui est le plus dur. 

Que préférez-vous à propos de votre rôle d’interprète?

J’apprécie énormément le fait d’aider une personne qui a besoin de savoir ce qui se passe dans son procès.

Il y a plusieurs années, une cause dans laquelle j’agissais comme interprète m’a beaucoup touchée. Des membres d’une famille était venue de l’étranger pour écouter la peine qu’on allait prononcer dans une cause où plusieurs des leurs avaient été victimes. Dans ce procès, j’ai dû maîtriser mes émotions pour bien accomplir mon travail, qui consistait à traduire des témoignages empreints de tristesse et de rage. Après le procès, ces personnes m’ont remerciée, car ils ont pu exprimer leur perte même s’ils ne parlaient pas un mot de français. Cela m’a beaucoup touchée. Nous, interprètes, pouvons servir de véhicule pour transmettre ces émotions, ces messages à qui de droit. Cela illustre bien jusqu’où notre profession peut aller.


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